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Τρίτη 13 Ιουνίου 2017

[FR] ILS FUIENT LA TURQUIE, ATHENES LES RENVOIE AUSSI SEC CHEZ ERDOGAN

Par Maria Malagardis

Le centre de détention de Fylakio, mardi, dans le district grec d’Evros (à la frontière turque).
Le centre de détention de Fylakio, mardi, dans le district grec d’Evros (à la frontière turque).
Photo Stefania Mizara. Le Pictorium

La Fédération grecque des droits de l’homme accuse la Grèce d’avoir renvoyé illégalement en Turquie plusieurs demandeurs d’asile turcs, dont un journaliste aussitôt emprisonné.

Qui sont ces hommes masqués et armés, en treillis camouflage ? Ceux qui ces trois dernières semaines ont intercepté, puis renvoyé en Turquie au moins dix-huit citoyens turcs qui cherchaient refuge en Grèce après avoir traversé le fleuve Evros clandestinement ? Ces hommes ne prononceraient jamais un mot et ne communiqueraient que par gestes avec les policiers grecs, apparemment complices de ces refoulements forcés. C’est en tout cas ce qui ressort des accusations formulées par la Fédération grecque des droits de l’homme, qui envisage de déposer ces jours-ci une plainte à Athènes contre ces rapatriements illégaux. Lesquels sont jugés «extrêmement inquiétants, s’ils sont confirmés» par le Haut Commissariat aux réfugiés (HCR), dans un communiqué publié jeudi. Les faits incriminés concernent le retour forcé de deux groupes de fugitifs turcs à quelques jours d’intervalle : le 24 mai et le 2 juin.
Camionnette.Dans le premier groupe figurait un journaliste turc poursuivi par le régime de Recep Tayyip Erdogan. Et renvoyé dans la gueule du loup, comme ses compagnons d’infortune. Rédacteur en chef du magazine Nokta, Murat Çapan avait pourtant dû ressentir un certain soulagement ce 24 mai lorsqu’il avait réussi à franchir clandestinement le fleuve Evros pour se retrouver dans le nord de la Grèce. Accompagné de deux amis, il s’était aussitôt rendu à pied dans la localité toute proche de Didymoteicho, où le trio s’était présenté au poste de police pour annoncer son intention de demander l’asile. Malgré la fermeture de son magazine en juillet 2016, Murat Çapan restait lui-même une cible, pour avoir écrit des articles jugés hostiles au président turc. Deux jours avant sa fuite, il avait été condamné à vingt-deux ans et six mois de prison. Officiellement pour «participation à un groupe terroriste» et «tentative de renverser la Constitution». La Turquie figure désormais en tête des pays qui emprisonnent les journalistes. Mais les enseignants, avocats ou militants des droits de l’homme ne sont pas plus épargnés : Mardi, c’est le président d’Amnesty International Turquie qui a été à son tour arrêté à Izmir.
Au poste de la police grecque de Didymoteicho où atterrissent le journaliste et ses deux compagnons, se trouve également une autre famille turque avec trois enfants qui a suivi le même chemin. «Les policiers grecs leur ont expliqué qu’ils allaient tous les conduire au HCR et les ont fait monter dans une camionnette blanche», raconte Kostis Tsitselikis, le président de la Ligue grecque des droits de l’homme, qui a recoupé plusieurs témoignages. En chemin, une autre voiture suit la camionnette, qui bifurque soudain vers un champ. «C’est là que cinq hommes masqués sont sortis de la voiture et ont contraint le groupe à les suivre. On les a conduits près du fleuve, on leur a tous attaché les mains avant de les forcer à monter dans un bateau pneumatique qui les a ramenés en Turquie», explique encore Tsisitelikis. Le retour à la case départ, c’est bien sûr la prison. Tous les rapatriés se trouveraient dans des centres de détention. Déjà condamné, Murat Çapan a été immédiatement incarcéré, et personne n’a pu communiquer avec lui depuis son retour forcé.
Officiers turcs.Dix jours plus tard, même scénario, même mise en scène avec le commando masqué, qui récupère cette fois-ci un groupe de neuf citoyens turcs, dont une famille avec quatre enfants. Eux aussi auraient été attachés puis renvoyés sous la menace des mystérieux hommes en armes. «On ne sait pas qui sont ces gens masqués, mais ce qui est certain, c’est que ça ne peut pas être une initiative locale, décidée par les flics du coin», affirme Tsitselikis.
Mais pourquoi le gouvernement de gauche radicale d’Aléxis Tsípras accepterait-il de telles pratiques ? Pour amadouer Erdogan après la fuite en Grèce de huit officiers hauts gradés turcs l’été dernier, à la suite du coup d’Etat raté du 15 juillet ? Ces militaires ont obtenu de ne pas être rapatriés en Turquie, décision confirmée récemment par la Cour suprême grecque. Mais le gouvernement ne se presse pas beaucoup pour leur accorder l’asile. «En réalité, des refoulements illégaux, il y en a tout le temps. Des Syriens, des Afghans ont été ramenés de la même façon. La gauche radicale au pouvoir se comporte dans ce domaine comme la droite. Cette fois-ci, le scandale émerge parce que ces refoulements concernent des Turcs qui n’avaient jamais fui leur pays auparavant», constate le responsable d’une ONG à Athènes. Après avoir nié ces pratiques, le gouvernement aurait assuré vendredi vouloir y mettre un terme. Pour Murat Çapan, il est déjà trop tard.

9/6/2017